Recherche thérapeute désespérément

Vous souffrez d’accès d’angoisse terrifiants. La peur au ventre, vous guettez les prochaines voix, ces hallucinations qui vous tourmentent depuis quelques temps. Ou bien vous êtes saisi d’une irrépressible panique dès que vous mettez le nez hors de chez vous. La rue, le bus, le bistro, le bureau sont tout à coup truffés d’insondables embûches. Ou bien encore (le choix est vaste) vous n’avez qu’une obsession, celle de vider votre frigo avant d’aller vomir le résultat de cette orgie boulimique (en ressentant, dans chaque spasme, à la fois soulagement et désespoir). Ou bien, qui sait, vous vous épuisez à vous laver les mains, de cent à cent cinquante fois par jour. Vous ne fermez l’oeil qu’après avoir vérifié une vingtaine de fois si la porte est bien fermée à clef, si le robinet est suffisamment serré, si les boutons du micro-ondes sont sur la bonne position. Ou bien (nous n’en avons pas fini) vous avez perdu toute estime de votre personne, vous ruminez une haine abjecte envers vous-même. Quoi encore? Vous faites des rêves inquiétants et inhabituels. Votre enfance et son amertume orageuse vous reviennent inexplicablement. Votre sexualité se déglingue. Vous n’en finissez plus de ressasser une séparation, un deuil. Ou une idée fixe vous hante: la prochaine dose d’alcool ou de drogue. Et pour corser les choses, les médicaments que l’on vous prescrit ne résolvent rien et ne soulagent que très médiocrement l’intolérable souffrance.

Alors, vous vous dites (ou bien l’on vous dit): “C’est d’une psychothérapie que tu as besoin”. Et vous voilà en quête d’un thérapeute. Entreprise peu aisée. Faut-il choisir un psychiatre ou un psychologue? (Un psychologue, ça fait moins grave, c’est plus rassurant – mais cela suffira-t-il à votre problème?). Ensuite, c’est un long chapelet d’appels téléphoniques, avec le même leit-motiv à l’autre bout du fil: “trop chargé, plusieurs mois d’attente”. Comme si votre souffrance pouvait attendre! Peu à peu, vous entendez mille et une opinions sur ce qu’est une « véritable » psychothérapie. Un collègue, une amie, un voisin vous recommandent, l’air avisé (pour en avoir fait une eux-mêmes), de choisir ceci et surtout pas cela. “Ne va pas chez un freudien. Il te laissera causer tout seul, fera durer l’histoire des années, sans que rien ne change, et avec ça, tu ne seras même pas remboursé par les caisses maladies”. Ou bien: “Je te conseille une bonne analyse transactionnelle, c’est rapide, efficace et sympa.” Ou bien: “Ils te mettront dans un groupe et tu devras te déboutonner devant tout le monde”. Ou bien (là aussi, le choix est vaste, mes amis): “Celui-là, fais gaffe, il voudra voir ta femme, tes gosses, tes pauvres parents, et même ta maîtresse. La thérapie de famille, c’est comme ça.”

Parfois, les commentaires sont plus sournois. “Quoi, de l’hypnose? Je me méfierais à ta place.” Ou bien: “Un jungien? Pfff. Ils sont certes érudits, mais.. efficaces?” Ou encore: “Comment? Un comportementaliste? Mais il va te laver la tête, mon vieux!” D’autres fois, les allusions se font ad personam. “Celui-là? Tss, tss. Crois-moi, adresse-toi plutôt à cet autre, il est plus orthodoxe et fait partie de la Société Psychochose ». Bref, vous voilà bien embarrassé quant au choix à faire (si vous avez rééllement le choix). Et si l’idée saugrenue vous prend d’interroger directement un psychothérapeute à ce sujet, son regard se perdra dans le vague et il répondra à vos questions par d’autres questions.

Pour vous y retrouver dans ce casse-tête chinois, allez donc écouter le Professeur Nicolas Duruz lors de sa prochaine conférence, consacrée précisément à “La psychothérapie aujourd’hui”*. Cet homme sait de quoi il parle. Non content d’être lui-même un psychothérapeute accompli, formé à plusieurs écoles, il sait réfléchir – et même donner à réfléchir – en ce domaine. Enseignant aux universités de Fribourg et de Lausanne, il a consacré maints travaux éclairés en ce domaine (le dernier en date s’intitule d’ailleurs: “Psychothérapie ou Psychothérapies?”**). Choisissez une place assise, ouvrez vos oreilles, et si des questions vous démangent, posez-les. Cet homme répond. Mais oui.

* Mercredi 17 avril, 20h15, salle de projections du Collège A. Reymond, Pully-Lausanne (renseignements: Fondation Ling, tél. 021-312.09.51).

** Editions Delachaux et Niestlé, 1994.

(09.04.96/LNQ)